mercredi 17 juillet 2013

« Un jour j'irai voir en vrai »

Trente ans à faire corps avec la routine, la solitude et la répétition des mêmes gestes et paroles, son lent passage annoncé d’une mélodie inébranlable. C’est le quotidien sans relâche de Jean-Luc Dierckx avec sa camionnette « Le Glacier Joseph », sur les chemins de Basse-Meuse sept mois d’affilée. 



« Comme c’est de famille, tout petit dans l’atelier j'aidais mon papa. J’ai vraiment commencé à 14 ans comme apprenti; je ne sais pas si je peux le dire, je n'avais pas encore mon permis que je faisais déjà les tournées à 17 ans! Avant cela, j'avais une discothèque mobile, pour des mariages et communions; puis j'ai commencé à faire de la radio. On a créé Radio Oupeye et c'est moi qui ai ouvert l'antenne, donc la toute première émission! Puis avec le travail, je n'ai plus eu la possibilité de continuer.»

Les gens vous appellent aussi Joseph?
Oui, oui! Pas les clients les plus âgés qui forcément connaissent mes parents. Mais dans les jeunes, j'entretiens le mythe, je ne leur dis pas mon vrai prénom…


Une journée avec très peu de clients, déprimant?
Oui, c'est monotone et on s'ennuie. Heureusement, j'ai la télévision, je bouquine, j'ai une tablette et internet. C'est vrai que les jours de pluie, c'est très long.


Est-ce un métier routinier?
Oui. C’est toujours la même tournée, les mêmes heures, les mêmes clients, bien qu'on ait parfois des promeneurs, des touristes. A l’atelier, c’est toujours les mêmes choses à faire. Chaque matin, on tourne de la glace fraîche. La cuisson du lait se fait suivant les ventes, une à trois fois semaine.

Des gens quittent leur job pour devenir glacier, c’est un métier qui fait rêver !...?
Y en a qui pensent qu’ils vont se faire riches. Ils achètent une camionnette, de la glace faite par un autre ou de la glace industrielle qu’ils essayent de vendre. Ils ne durent jamais longtemps; les gens ne sont pas dupes, ils voient bien la qualité. Leur marge bénéficiaire est tellement réduite qu’ils doivent en vendre des quantités astronomiques pour gagner leur vie.




La musique… 
C’est « La Veuve Joyeuse » de Johann Strauss, version évidemment boîte à musique; à l’origine c’est un mécanisme avec des lamelles et un petit tambour à picots. Maintenant c’est passé en électronique. Depuis quarante-cinq ans, c’est la même musique.


Si on change, ça ne va pas…
Si on change les gens ne reconnaîtront plus, ou il faudra un temps d’adaptation. Non, c’est important ça quand même, on y tient à la musique !



Vingt-neuf parfums! Waouw! Vous en élaborez souvent de nouveaux?
Quand on sait le faire à base de produits naturels. On nous demande beaucoup depuis deux-trois ans de la glace à la violette. Les violettes c’est des fleurs, et que je sache on ne sait pas faire de la glace avec des fleurs ! Ca ne peut qu’être des produits chimiques, des essences, donc nous n'en produisons pas.

Est-ce que les goûts des gens ont évolué ?
Oui, il y a une mode. La glace au red bull, au bubble gum; des goûts très spéciaux mais qui sont évidemment à base de produits chimiques. On essaye d’avoir de nouveaux parfums, mais à base de produits naturels, comme cannelle et speculoos. Les personnes âgées restent toujours très vanille-chocolat-moka-fraise, les quatre goûts de base; maintenant les enfants sont forcément attirés par les couleurs. Myrtille ou mûre se vendent très bien parce que c’est bien mauve, bien pétant … Mais comme on n'utilise aucun colorant, une glace fraise est rose pâle, jamais rose fluorescente, rose barbie !

Est-ce que vous avez déjà élaboré des glaces au goût très spécial, hors du commun ?
On a fait pendant quelques années de la glace à la tomate. Les gens rigolaient quand on leur disait « tomate », ils n’osaient pas en prendre. Pourtant c’était délicieux, on utilisait des tomates italiennes, plus sucrées. On a arrêté d’en faire parce que les gens n’y croyaient pas. A l’école, on a créé en surprise de la glace à la Duvel pour mon professeur qui adorait la Duvel. On a déjà fait des sorbets aux oignons, des sorbets aux poireaux. On peut préparer de la glace avec plein de choses, en fait !

On ne joue jamais avec la glace… à se lancer des boules..?
(Interloqué) Non, non, non, drôle d’idée ça ! (drôle de rire)

On vous dit parfois que vous polluez, que vous vendez des pots en plastique ?
C’est très rare, mais certains viennent avec leur petit bol. Maintenant il faudrait que les fabricants produisent des petits pots recyclables ou recyclés, je n’en sais rien. Mais c’est vrai que certains clients viennent avec leur ramequin ou ne veulent pas la petite cuiller, ils disent « ça ne sert à rien, j’ai des cuillers chez moi ». 


Votre loisir, le rallye…
Oui je suis copilote. J’ai fait les boucles de Spa, le seul rallye que mon pilote faisait encore. On roule sporadiquement, pour le plaisir, pas pour le classement ou les championnats. On prend des notes lors de reconnaissances. Puis le jour du rallye, on passe avec les casques, les harnais, les combinaisons. J’annonce les notes au pilote ; faut être juste pour ne pas le tromper. Si on se trompe ça peut être dangereux. 

Vous avez l’occasion d’aller voir aussi ?
Dès que je peux, mais forcément pas en été puisque voilà je suis au boulot. Par exemple je suis un grand fan de Formule 1, je rêve d’aller voir le Grand Prix de Belgique, mais j’ai encore jamais pu y aller. Un jour j’irai voir les Formules 1 en vrai, oui. En hiver, je ne rate jamais le rallye du Condroz, et les boucles de Spa, comme spectateur quand je ne roule pas.

C’est marrant parce que vous vous parquez au mètre près !
Je compare toujours ma tournée à une tournée de bustes (sic). Les bus ont leur arrêt, moi j’ai mes arrêts que j’essaye de respecter quasiment au mètre près. Les clients ont leurs habitudes. C’est comme ça qu’on garde une clientèle. 

Là on vient de voir une cliente qui vous dit « mais non, mettez-vous trois mètres plus loin, comme d’habitude ! »
Tout à fait. Je suis arrêté et il y en a qui m’attendent cinq mètres plus loin parce qu’ils n’ont pas envie de marcher, quoi ! (rires)


Interview et photos (c) Lili Sygta 2013

Ecoutez la voix de Jean-Luc Dierckx ici:







dimanche 14 juillet 2013

« Y a encore du travail, faut avouer ! » (rire de dépit)

Les scénettes surréalistes du duo « Gars de Jette » leur ont ouvert les portes de Télé Bruxelles la saison dernière. JiMystik Engelen et Alexis Papageorgiou nous reviennent d’un tour de France de trois semaines en camping car. Vingt étapes pour tester l’accessibilité des lieux publics aux PMR. Leurs vidéos d’ambiance sont à visionner sur leur site www.garsdejette.com

© Gars de Jette
Pourquoi portez-vous dans vos sketches filmés des t-shirts « Handi » et  « Grec » ? N’est-ce pas mieux qu’on vous découvre, au lieu du « je suis machin et c’est marqué sur moi » !?
Alexis : C’est quelque chose qu’on nous colle à la peau, alors autant l’afficher. Si on avait pu mettre « grec homosexuel » ou « handicapé ne fait rien de sa vie » on l’aurait mis.

Pourquoi ne pas l’avoir mis alors ?
Alexis : Parce que ce sont des stéréotypes qu’on combat. On prouve qu’on peut s’amuser même si on est en chaise ; on peut aussi s’éclater si on est grec et qu’on n’a pas d’argent !
JiMystik : D’ailleurs je le loue pas cher si quelqu’un a besoin de services ou autres …
Alexis : … Chauffeur de camping car ! Je porte les bagages !
JiMystik: Il lave les vitres et il pousse les chaises des gens.

Il fait l’animation aussi !
JiMystik : Tout à fait, il fait le clown, il a son costume dans le coffre…
Alexis : (chante) … Et on fait tourner les serviettes!

© Gars de Jette
Alexis : De ce Tour de France découlera un reportage de 50 minutes sur la relation que JiMystik et moi avons, ou plutôt celle d’un valide et d’un invalide.
JiMystik: D’un grec et d’un invalide, parce que c’est un sale handicap qu’il a quand même !
Alexis : (rires) Chacun son handicap, moi je suis grec, lui est paraplégique, chacun son truc !
JiMystik : A la base on voulait voyager, faire quelque chose. Alexis m’a poussé hors de ma chaise. Il s’est rendu compte que c’était vachement difficile de trouver un endroit adapté, sans marches, avec des WC où je puisse entrer avec ma chaise. L’ultime solution était le camping car. Tout est parti de là.

Conclusion, est-ce que la France est accessible ?
JiMystik : Y a encore du travail, faut avouer ! (rire de dépit)
Alexis : « Comme chiche, comme chache ». Ça ne va pas encore… Hollande a proposé de s’adapter pour janvier 2014… Chaque camping dans lequel on est passé nous a affirmé avoir difficile de s’adapter, mais que cela devait être fait sinon ils allaient payer des amendes…
JiMystik: Certains préfèrent payer l’amende.
Alexis : Pour les petites entreprises, ça coûte cher !

© Gars de Jette
Les vidéos liées aux étapes vont-elles être diffusées sur Télé Bruxelles ?
Alexis : Les petites vidéos quotidiennes sont diffusées sur notre site internet. Pour Télé Bruxelles, on doit voir si on re-signe une saison, normalement oui ; mais d’abord place à « Cap 48 » qui se déroule le 13 octobre. Notre objectif cette rentrée est d’y apporter de l’ambiance, notre ambiance.

© Gars de Jette
Une étape souvenir?
Alexis : On a été pris dans une vraie tempête, donc le vent qui souffle assez fort et la grêle ! C’est un souvenir qui marque, parce qu’on a eu peur, tout simplement. Et les grêlons je pense qu’ils sont passés au « jiton » … au JT pardon!

Au « jiton » de Jette !
Alexis : Les grêlons faisaient la taille de mon poing ! Non, j’exagère, de mon pouce, mais des GROS grêlons !

C’était au Nord de la France ?
Alexis : Même pas !
JiMystik : C’était mi-Nord mi-centre…
Alexis (rires) : « Mi-Nord… mi-supérior » ! Non on était dans le sud-ouest ! Déjà passé Bergerac, on descendait vers Lourdes. Entre La Rochelle, Bergerac et Lourdes on a connu un temps « pourri ».
JiMystik: Lourdes était en zone rouge, il y avait apparemment des gens qui évacuaient Lourdes et nous on y allait ! On y a fait notre petit reportage; les pauvres restaurateurs qui se sont vu inondés…
Alexis (rire nerveux) : C’était horrible, le chaos ! A bout de nerfs, on voulait voir la vierge qui prenait son bain, on n’a rien vu, juste la désolation de toute la ville ; sans compter les morts qu’il y a eu paraît-il. Là ça nous a enlevé la pêche du voyage, l’ambiance qu’on avait prévu d’avoir, même à Lourdes.
© Gars de Jette
Une rencontre marquante?
JiMystik : Mimene à Toulouse, une fille paraplégique aussi. Elle a une jolie petite cabriolet, elle m’a laissé conduire sa voiture adaptée, j’ai pris goût, c’était chouette.
JiMystik, Alexis et leur futur caméraman Sacha © Lili Sygta
Un tour de Belgique à prévoir ?
Alexis : Le tour des festivals de la communauté wallonne. Cet été. Francofolies, Dour… on est censés y passer, on y passera ! (ndrl : sponsorisé par le Ministère de l’Egalité des Chances de la Fédération Wallonie-Bruxelles). Mais moi (rires) j’en peux plus des festivals !

Vous en êtes déjà fatigués … !?
Alexis : On a passé la trentaine, et surtout on est entrés dans une vie active et les festivals c’est dédié aux 20-25 ans ! Je les ai faits, j’en ai vraiment fait beaucoup... Je pense que ça va nous rappeler des souvenirs !
JiMystik: Les coulisses !
Alexis : Et Zaz nous attend d’ailleurs !

Vous allez aller à Bruxelles-les-Bains ?
JiMystik : Oui comme Jette-Plage ici ! (Rire un peu moqueur) Non je ne crois pas que j’irai à Bruxelles-les-Bains ! Disons qu’on a passé les calanques de Marseille… !!
Alexis : C’est nous faire souffrir, ça ! (Rires) On vient de Cassis, on vient du Mont Blanc, et vous voulez qu’on aille à Bruxelles-Plage !
JiMystik : Par contre je vais prendre un bon bain chez moi, j’ai un jacuzzi sur la terrasse… n’invitez personne… je vais profiter du soleil !

Interview Lili Sygta 2013