samedi 29 mars 2014

« ce n'est pas grave, ça fera rire tout le monde »


La dramatique d'Heure-le-Romain, "Lès Spitants Romanorièns" interprète des comédies traduites en wallon liégeois, au grand plaisir du public toujours nombreux.



Christian Laixhay (Gonzague) et Monique Moureau (Laurent/Laurence)

Jean-Marie Navette: Laurence est un garçon devenu femme; Gonzague est son mari anglais.

C'est un Anglais qui parle wallon ?
Jean-Marie Navette: Ça arrive souvent dans les pièces en wallon ! (rires) Quand il y a un Anglais, il parle wallon et pas anglais, parce que les gens ne comprendraient pas !

Et vous croyez que les gens comprennent le wallon ?
Jean-Marie Navette: Ah oui, ici à Heure-le-Romain, oui !

Comment fait-on croire qu'il est anglais alors ?
Jean-Marie Navette : Avec l'accent ! Mais il ne l'a pas, pas toujours.

Il va l'avoir lors de la pièce ?
Jean-Marie Navette : A certaines occasions il le reprend facilement.
Christian Laixhay : J'ai marié une wallonne, donc je parle wallon à la façon anglaise. Je djâse wallon sans faute, mais avec l'accent anglais c'est très spécial.. ne pas rouler les r... Il faut que j'y pense ! Tout le temps j'oublie que je suis anglais ! (rire)

Pourquoi Gonzague est-il anglais ?
Monique Moureau: Pour avoir des rôles de composition, faire un peu BCBG. Il n'aime pas l'endroit parce que c'est vieux ; c'est le choix de l'auteur.
Christian Laixhay (dans son rôle) : C'est à dire que je suis d'un autre milieu, puisque je suis english!

Il y a des classes populaires en Angleterre !
Christian Laixhay (dans son rôle) : Je ne suis pas habitué aux camps des scouts, j'aime autant l'hôtel. Je suis responsable des communications pour les ambassades de Belgique en Europe, donc vous comprenez ça ?

Votre lien avec le wallon ?
Jean-Marie Navette: C'est ma langue maternelle, mais j'apprends toujours des mots qu'on utilisait pas à la maison. C'était un langage ordinaire qu'on utilisait nous autres. Par exemple « fé 'ne prandjîre », ça veut dire « faire la sieste », je ne connaissais pas ce mot ! (rires)

S'il n'y avait pas les Spitants Romanorièns, vous ne vous seriez pas mise au théâtre ?
Monique Moureau: C'est un hasard avec Jean Radoux, habitant d'Heure-le-Romain qui jouait au Troca; à sa pension il a voulu créer une troupe.

Le fait de jouer devant des gens qu'on connaît très bien ?
Elisabeth Tilkin: Si on a un trou, ce n'est pas grave, ça fera rire tout le monde !
Monique Moureau: Quand on sent le public déjà rire aux premières phrases, c'est « ouf, ça va ! »... on est beaucoup plus à l'aise !

Et les premières années, il y avait autant de public que maintenant ?
Léonce Delvenne : Oh oui ! Ils ont joué leur première pièce en avril 2001. Jean Radoux est revenu dans le village en 2000, il a voulu reformer une troupe. Il jouait avec mon papa il y a 50 ans d'ici. Il m'a demandé de l'assister en coulisses avec les sonnettes; je préparais les chapeaux et les lunettes. Puis j'ai soufflé, puis j'ai joué, et quand Jean Radoux est décédé on m'a demandé de continuer.

Jean-Marie Navette, Daniel et Gwenaëlle Rademackers sur scène


A votre façon de parler sur scène, comment y apporter de la finesse ? 
Elisabeth Tilkin: On reçoit l'avis d'un conseiller technique qui est ici Pierre Habets.
Monique Moureau: Il ne faut pas laisser tomber la voix à la fin de la phrase. Jouer comme si on était chez nous ; rester le plus naturel possible suivant la réplique !

Comment faites-vous pour contrer les acteurs qui forcent tout le temps leur voix dans la même dynamique ?
Pierre HabetsÇa dépend le rôle et la capacité de la personne. On explique la respiration par le ventre, le diaphragme qui travaille; faire passer la voix dans le palais au lieu de la gorge...

Une spécificité ou une façon de se tenir qui font plus « wallon »?
Pierre Habets : Non, c'est la même chose en wallon ou en français. Il fut une certaine époque, on parlait de « théâtre wallon » , moi j'appelle ça le « théâtre en wallon ». Les règles de mise en scène sont les mêmes. Y aurait toute une théorie à faire ! Si ça peut vous intéresser, je peux vous envoyer un travail que j'ai fait là-dessus.
Léonce Delvenne: Il a écrit un fameux article dans le Bulletin Wallon... (plus d'infos ici)

Vous êtes envoyé par la Province de Liège...
Pierre Habets : Je suis un des metteurs en scène du Trianon et la Province m'envoie par-ci par-là pour corriger les petits défauts de mise en scène, travailler les personnages, changer un déplacement, donner parfois des conseils de décoration, de musiques, fonds et bruitages.

Qu'est-ce que la Province y gagne ?
Pierre Habets: C'est l'aide qu'elle veut donner aux troupes amateures. Il y a les conseillers pour le français, et ceux pour le wallon.

Léonce Delvenne: Un conseiller technique est fort utile pour fignoler !

Pierre Habets: Et c'est toi qui imagines le décor..

Léonce Delvenne: Ah oui, mais toute l'équipe participe ici. Ce sont les hommes de la troupe qui montent les panneaux et les portes. Et Jean-Claude Lieutenant vient peindre, tapisser, mettre sa note de couleur. Je fais une ébauche du plan de scène, avec les portes, tables, chaises. Mon mari qui est architecte me le dessine à l'échelle.

Pierre Habets:Dans une troupe amateur, on vient pour s'amuser, se retrouver ; mais cela n'empêche pas de faire du bon travail ! Au Trianon, avec des semi-professionnels, on ne fait que 5 répétitions ; on commence le lundi pour jouer le samedi. Donc quand les acteurs arrivent c'est texte connu, avec souffleur. Là c'est normal qu'on soit plus sévère, on ne vient pas vraiment pour s'amuser !

Léonce Delvenne: Ici pour les Spitants, deux mois de répétitions deux fois par semaine et tous les jours la dernière semaine.


La note de couleur de Jean-Claude Lieutenant

Pierre Habets: Jean Radoux et moi avons joué ensemble. Et Léonce a suivi un stage de mise en scène que j'animais.

Léonce Delvenne: Avant ça j'avais suivi des cours de théâtre en wallon rue Surlet. Ils nous faisaient écrire des textes et jouer. J'ai été fort surprise par René Brialmont ; cet homme-là m'a fait un effet terrible ! Je lui aurais mis une auréole, moi ! Quand je revenais de là le soir, j'étais... ! Oh ! On devait écrire une scène à partir d'éléments de décor. Je vais sur l'estrade et je raconte mon histoire.. Et alors il dit « donne un coup de pied dans la poubelle »... vraiment il animait la scène... !



Interviews et photos © Lili Sygta 2014

jeudi 27 mars 2014

« L'effort qu'ils font pour revenir, c'est ça le plus beau »

Mario Fryns est colombophile à Heure-le-Romain.


« Soigner ses pigeons, les amener au local où ils seront acheminés à un endroit pour être lâchés. Le colombophile attend alors qu'ils reviennent... L'effort qu'ils font de revenir, c'est ça le plus beau ! D'un point de lâcher qu'ils ne connaissent pas, ils se retrouvent à la maison ! 

Si à une compétition il y a 1000 pigeons, tous sont lâchés ensemble, puis ils se dispersent pour retrouver leur colombier. Sur la distance, il y en a qui suivent un groupe et d'autres qui sont motivés pour rentrer, se détachent et deviennent les premiers. »





Et le pigeon qui revient en retard, saoul ?
Ils ont une chance ou deux, après si ça ne va pas...

Y en a pas qui traînent au café !?
Non, pas du tout... Ceux qui traînent au café sont à la casserole !

Le colombier est fermé quand ils reviennent ?
Il y a une fenêtre ouverte, ils se posent et sont constatés, et c'est l'heure d'arrivée qui compte. Ils savent rentrer mais pas ressortir.

Quand vous lâchez vos pigeons, combien de temps prennent-ils avant de revenir ?
Ça dépend du trajet, du vent, de la clarté. Brumeux on ne peut pas les lâcher parce qu'ils ne retrouvent pas leur chemin, ou difficilement. On commence à les lâcher à 60 km et ça va jusque 1075 km. On les amène au local, qui les achemine au point de départ. A une telle heure on les lâche. S'ils ont le vent avec eux, ils vont plus vite ; s'ils ont le vent contre eux, c'est plus lent. Avec des pigeonneaux on commence petit à petit, je vais les lâcher deux-trois fois puis ça part avec la société ; on augmente de 60-70 km à chaque fois.

Ils doivent absolument revenir ici ?
Oui, chez le colombophile. On calcule leur heure d'arrivée à la maison; des fois il y en a qui ne reviennent pas, ils se perdent.

A 1000 km, comment savent-ils le chemin, puisque qu'à l'aller ils sont dans des camions couverts ?
L'instinct ; on dirait qu'ils ont une boussole dans leur tête, oui c'est fou ! Ils ont un tout petit cerveau, mais plus malin que nous..

Quelle est leur motivation à revenir dans le colombier ?
Ça doit être l'amour du pigeonnier, de son odeur, parce que si je déplace le pigeonnier, ils vont aller dans le pigeonnier et pas là où il était. Pendant la guerre les colombophiles transportaient leurs pigeons d'un coin à l'autre en roulottes. Comme ils avançaient ou reculaient, ils prenaient des pigeons pour annoncer leur position et l'avancement du programme.

Et l'histoire du pigeon amoureux et de la femelle qui l'attend ?
C'est pour les motiver un peu, chez certains ça fonctionne. Il faut trouver ce qui leur plaît, mais ils sont fidèles.

Une alimentation spéciale ?
On donne des vitamines, on les soigne comme un sportif. Mais cortisone, non. Si je commence avec ça, j'arrête ! D'ailleurs on fait des prélèvements pour celui-là qui les drogue, hein !



La Belgique est connue mondialement pour la colombophilie, c'est d'ailleurs ici que se situe le siège de la Fédération Colombophile Internationale. Pourquoi la Belgique ?
Il me semble qu'il y a les meilleurs pigeons ici et on est des passionnés. Peut-être parce qu'on fait plus de recherches dans les croisements, on essaye d'améliorer. Les croisements c'est la clé. La qualité des pigeons, c'est le producteur qui la fait ; la passion c'est chercher, trouver meilleur qu'un autre !

Il y a 33 000 membres colombophiles (822 clubs) en Belgique, la moitié d'il y a dix ans. Comment expliquer ce recul ?
Les jeunes ne reprennent pas, ils sortent davantage ; nous on est à la maison à s'occuper de nos bêtes. Les jeunes c'est plus pour sortir et s'amuser. Y en a beaucoup qui prennent le football et tout ça ; la colombophilie revient cher !

Entre colombophiles, quels sont les sujets de conversation ?
(rires) On parle des races et tout ça. « Celui-ci a des bonnes souches, celui-là pas... ». On fait des ventes. Y a des sortes de pigeons qui vont plus vite et c'est par rapport à cela que l'on trie.

En lui donnant beaucoup d'amour, un pigeon un peu lent peut-il devenir un champion ?
Même le meilleur colombophile ne saurait dire s'il a de bons pigeons. Il doit trier par rapport aux constations qu'il fait. Ce ne serait pas agréable si on sait qu'une telle sorte n'aurait que des champions. On essaye d'avoir un meilleur que l'autre ! Les croisements entre races : soit ça va mieux, soit ça ne va pas.

Si on arrivait à en faire une science parfaite...
... ça n'irait plus !

Vous croisez telle race avec une autre pour voir ou tout a déjà été fait ?
Non, on essaye pour améliorer. Si ça ne va pas, on change de race. Si on en a une, on cherche encore une meilleure. Il faut des années pour être au top ! Il vaut mieux 2-3 bons que 15 mauvais. Y en a qui ont 500 pigeons, ça je ne veux pas. C'est le succès du pigeon qu'il faut trouver.

Interview et photos © Lili Sygta 2011