lundi 1 juin 2015

« Je demande qu'on recrache »

Heure-le-Romain
Inauguration du chai de la coopérative « Vin de Liège »


Alec Bol et les bâtiments en arrière-plan - Photomontage

Alec Bol (Administrateur délégué - directeur de la coopérative):
Le chai c'est le lieu où on élève, produit et commercialise le vin. La culture de la vigne existait jadis à Liège et même à Heure-le-Romain, puis a complètement disparu. Les raisons peuvent être la diminution du pouvoir des abbayes où était cultivée la vigne ; la concurrence de la bière... Les sous-sols calcaires de la Basse-Meuse ont cette capacité de rétention d'eau mais aussi de drainage, cela en évite les excès. Généralement, les tiroirs calcaires ont des caractéristiques sur les vins qui sont intéressantes en termes de résultats, on parle de « minéralité ».

Vous avez différentes parcelles à Heure, Bassenge et Eben-Emael. Le vin produit diffère-t-il en fonction de la parcelle ou du soleil?
Alec Bol:
Forcément, c'est ça aussi qui fait la magie du vin ! Un vin n'est pas le même qu'il soit planté sur une terre calcaire, argileuse, sablonneuse. On a planté parfois les mêmes cépages sur des parcelles différentes, et là on va voir ce que ça va donner, on doit apprendre à connaître nos terrains.

Vous ne mélangez donc pas tout en fin de journée ?
Alec Bol:
Oh non non non, jamais ! C'est pour cela qu'on a plusieurs cuves, on fermente les vins toujours séparément, en fonction de la parcelle et du cépage.


Christophe Philippe dans une des trois parcelles d'Heure-le-Romain - Photomontage

Christophe Philippe (Un des 1184 coopérateurs):
Les coopérateurs ont investi par part de 500 €. Pour construire le chai dans lequel nous nous trouvons aujourd'hui, il a fallu lever des fonds. Au total il y avait un besoin de 1 800 000 €. L'étude de faisabilité réalisée entre 2008 et 2010 a identifié les endroits potentiels et les types de cépages les plus appropriés au climat de nos régions pour produire du vin de qualité. « Vin de Liège » est aussi un projet à fin sociale, qui réintègre quelques personnes dans le circuit du travail.

Alec Bol:
Nous suivons le cahier des charges de l'agriculture biologique ; mais il faut trois ans de culture consécutive pour y entrer. Il y a des terrains plantés en 2013, donc toujours en « transition ». Nous avons replanté des haies vives, ce sont des mesures agro-environnementales favorables à la lutte contre les prédateurs de la vigne. Ainsi des rapaces viennent chasser certains oiseaux qui attaquent nos vignes. Nous avons installé un nichoir à faucons, ils viennent y faire leur nid et empêchent les autres oiseaux de s'implanter dans le vignoble.


Parcelles de vignobles en arrière-plan à Heure-le-Romain

Christophe, vous venez régulièrement pour aider à certaines tâches, de manière bénévole et non obligatoire.
Christophe Philippe:
Oui comme beaucoup de coopérateurs j'aime tailler la vigne, faire les vendanges, ébourgeonner... Tous 1er samedis du mois, ou dimanches pour certains, environ 25 coopérateurs viennent travailler. Le midi chacun amène quelque chose à mettre sur le barbecue ; Vin de Liège propose du pain et des salades. Et toujours du vin aussi ! C'est super sympa, très convivial et ça permet de donner un bon coup d'avancement dans les lignes. Ce boulot considérable épaule celui des personnes « Article 60 ».

Ce ne serait pas viable financièrement sans le travail bénévole des coopérateurs ?
Alec Bol:
C'est plutôt pour qu'ils puissent venir voir comment ça se passe au vignoble. Ça nous donne clairement un coup de main, mais tout peut tout-à-fait fonctionner avec notre équipe interne de sept personnes engagées à temps plein.

Quand l'entreprise réalise un bénéfice, l'argent va vers les coopérateurs ?
Alec Bol:
Pas uniquement. Il y a un droit aux dividendes possible, mais limité par arrêté royal parce qu'on est une coopérative à finalité sociale. On équilibre la distribution des bénéfices entre les coopérateurs et des objectifs sociaux et environnementaux.
Christophe Philippe:
Comme dans toute entreprise, il y a une partie destinée au réinvestissement, pour moderniser le matériel, acheter de nouvelles parcelles, remplacer les 2% de pieds qui ne survivent pas la replantation et garder une réserve pour faire face aux aléas de la météo.


Tranquilles vignobles sur les Hauts de Fragnay à Heure-le-Romain

Est-ce que vous buvez du vin pendant les heures de travail, est-ce que c'est permis ?
Alec Bol:
Non c'est formellement interdit ; même quand on goute je demande qu'on recrache toujours. Il y a trop de dégâts liés à l'alcool parmi les viticulteurs ! Même quelqu'un ici a dû être licencié, ce n'était pas du vin mais de la bière, mais soit... je fais très attention à ce qu'on ne boive pas pendant la journée. On goûte mais on recrache.

Si on reçoit des clients ou des investisseurs qui viennent en grande pompe, on offre un verre naturellement !?
Alec Bol:
Là forcément on n'a plus le choix ! Quelques personnes ici peuvent avoir cette possibilité de boire pour des raisons commerciales. Je tiens à ce que soit bien limité car il y a toujours des risques !


Extrait des bouteilles en vente - Photo Jérôme Bonhomme

Alec Bol:
L'objectif est d'attendre avant de produire du rouge, parce qu'il faut une concentration qu'on est certains d'atteindre quand les vignes sont plus âgées. On ne voulaient pas sortir un rouge moyen, on préfère attendre 2018 ou 2020 je ne sais pas. Pour l'instant on fait rosé, blanc et mousseux.

Ecoutez l'interview ici:

https://soundcloud.com/heure-le-romain/vin-de-liege-alec-bol-et-christophe-philippe-lili-sygta-interview 




Reportage © Lili Sygta 2015